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Directrice de Cultures&Santé de 1996 à 2007 et psychologue de formation, Agnès Claes est l’une des chevilles ouvrières de l’élargissement et de la professionnalisation de l’association. Elle a notamment connu le passage de l’éducation sanitaire à la promotion de la santé et la fusion entre Cultures&Santé et l’asbl Promosanté en 2002. Pour nous, elle a accepté de revenir sur les défis relevés lors de son passage à Cultures&Santé.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Agnès Claes, j’ai fait une formation de psychologue (je n’ai jamais exercé en psychologie clinique mais j’ai fait beaucoup de recherche marketing). Avant d’être engagée par Cultures&Santé, je travaillais en tant qu’indépendante pour la Fédération des maisons médicales où je faisais une étude pour un épidémiologiste destinée à l’Université McGill de Montréal. Comme ma mission prenait fin, la directrice de la Fédération m’a parlé d’un poste vacant à Cultures&Santé. C’est à ce moment-là qu’une aventure longue de plus de dix années a commencé.

Quelles étaient les ambitions de Cultures&Santé à l’époque ?

Cultures&Santé était impliquée dans l’éducation à la santé. Il s’agissait notamment de faire passer des messages pour que les gens comprennent comment se soigner et prévenir les maladies. L’activité de Cultures&Santé était centrée sur les populations immigrées. Ce n’est qu’ensuite que l’objet social a été élargi à toute personne socio-culturellement défavorisée. La philosophie d’action de la promotion de la santé s’installant petit à petit en Communauté française de Belgique, nous avons élargi le champ des possibles : il ne s’agissait plus d’éducation à la santé mais d’une lutte contre les inégalités sociales de santé.

Concrètement, comment ça s’est décliné ?

Au début, le challenge était de faire passer un message à un public avec des caractéristiques particulières. On devait donc faire des traductions et simplifier le message tout en le gardant authentique, ce qui n’est pas toujours facile. Nous l’avons fait, par exemple, sur la problématique du saturnisme ou des maladies sexuellement transmissibles. Nous faisions également beaucoup d’animations auprès du public sur les sujets préoccupants du moment. A l’époque, l’intoxication au monoxyde de carbone représentait une cause de mortalité importante en Belgique. Nous avons donc fait une campagne sur le CO en partenariat avec le Centre antipoison. Nous allions également faire des animations sur ce sujet au sein d’autres associations à leur demande.

Quels étaient les objectifs des activités de Cultures&Santé ?

L’idée de base était d’ouvrir les portes du savoir, de la connaissance, pour se débrouiller dans la vie.

Donc, il y avait déjà cet objectif d’émancipation ?

Ah oui ! Tout à fait. C’était vraiment ça : mener les gens à l’émancipation. Je n’ai jamais connu autre chose. Et je crois que c’était même l’esprit de Cultures&Santé au départ, avant même que je n’y sois.

Avez-vous noté une évolution dans les activités, dans les aspirations de Cultures&Santé ?

Oui. Je crois. A partir de "Jouons santé" [répertoire d’activités santé destiné aux enfants de 6 à 12 ans et qui a remporté en 1998 le premier prix européen d’éducation pour la santé], on est passé d’animations et d’enseignements ponctuels à la notion de projet. Non pas des projets d’éducation à la santé mais des projets de promotion de la santé qui s’inscrivent dans la durée. Tout est parti de la question suivante : Comment améliorer notre bien-être ? C’est à ce moment que nous avons organisé un séminaire sur le sujet en collaboration avec Question Santé. L’une des interventions, celle de Yann Le Bossé, spécialiste en psychologie communautaire, était notamment consacrée au développement du pouvoir d’agir des personnes vivant dans des milieux défavorisés.

agnes2Et il y a eu la fusion avec Promosanté...

Au milieu des années 1990, nous n’avions pas tellement de prise continue avec le terrain, nous travaillions surtout en seconde ligne et avec d’autres asbl. La reprise de l’asbl Promosanté s’est faite en 2002. Promosanté a été créée par une pédiatre (le docteur Martha) et se proposait d’accompagner les mamans de milieux immigrés. Suite à des problèmes de santé, elle a demandé à Cultures&Santé de reprendre l’association. Pour nous, c’était une belle opportunité. D’une part, la fusion nous permettait d’avoir un accès direct et permanent au terrain. D’autre part, cela nous permettait d’élargir l’équipe avec des postes supplémentaires. Mais, suite à la fusion, la charge de travail est devenue de plus en plus importante. Il fallait s’occuper de l’administratif, de la gestion du personnel, de la gestion financière, de la justification des subsides, des rapports aux fournisseurs, de l’informatisation de l’asbl... Tout est allé de plus en plus vite.

Quel bilan tirez-vous de l’activité de Cultures&Santé ?

C’est très difficile de gérer une asbl. Il y a toujours une obligation de justifier l’action auprès de personnes qui ne la comprennent pas toujours. Socialement, je crois que ça met en difficulté le secteur associatif. Néanmoins, ce dernier reste le meilleur moyen d’éviter une bombe sociale. Sur le plan personnel, j’ai passé d’excellents moments. D’abord, c’était une aventure et un développement : on a commencé à deux employées puis on s’est retrouvés à quatorze. Il y avait beaucoup de solidarité, beaucoup de rires et nous plaisantions facilement. Nous échangions beaucoup d’idées et pas seulement sur les thèmes qui se rapportaient à notre objet social. Nous cultivions également une particularité : la remise en question perpétuelle. Je n’ai connu que ça. C’était très riche. Toutefois, je trouve dommage de ne pas avoir eu les moyens de partager ces questionnements avec des acteurs étrangers et d’intégrer plus de savoirs internationaux.

Une recommandation pour Cultures&Santé ?

Restez fidèles à vous-même et surtout restez apolitiques.

Pourriez-vous définir Cultures&Santé en une phrase ?

Cultures&Santé, c’est la volonté de croire dans un mieux.

Un dernier mot concernant les 40 ans de Cultures&Santé ?

J’espère que je serai encore là pour les 50 ans…

 

Propos recueillis le 19 janvier 2018 à Bruxelles